The Gift :: Imprensa
Film
Certains disques énervent pour des raisons inhabituelles. Ceux de The Gift en font partie : comment expliquer, comment accepter l'incroyable anonymat dans lequel le groupe baigne hors des frontières portugaises ? Ce quatuor portugais originaire d'Alcobaça, près de Leiria, composé d'une chanteuse et trois musiciens aussi jeunes et fougueux que mûrs et déterminés, a fait ses débuts en 1999 avec un album autoproduit au titre sobre - "Vinyl" - contrastant avec la générosité du contenu : quinze titres à l'instrumentation dense et variée, quelque part entre Björk et les Tindersticks, pas très loin de Portishead. Dans le pire des cas, The Gift est intéressant, dans le meilleur, il compose des classiques éternels : l'incontournable "Ok do you want something simple" rend par sa seule existence caducs tous les classements et référendums de fin d'année, de fin de siècle ou d'inspiration n'en faisant aucune mention. "Vinyl" a séduit le public portugais et l'argent des ventes fut réinvesti dans une tournée ambitieuse (quatorze musiciens engagés) qui visita la Cigale à Paris en juin 2000. La musique de The Gift charme ceux qui lui tendent l'oreille mais peine à capter l'attention des médias européens, officiant dans un genre où des formations britanniques ou nordiques bénéficient de moyens de promotion et de distribution dix fois supérieurs. Sans doute - et pourtant quel paradoxe ! - eût-il été plus facile de faire du fado. Le groupe réussit cependant à attirer l'attention d'Howie B, connu pour ses collaborations avec U2 et Tricky : ce dernier participe au mixage de "Film" qui sort en avril 2001. Le groupe n'a toujours pas de maison de disques mais tient là un disque qui, dès les premières notes, impressionne : "Front of" pénètre dans la chambre sur la pointe des pieds, chuchotant - "Keep breathing and try to get some sleep" - inquiétant et insidieux, décidé à occuper l'espace, à le coloniser. Puis le cœur s'emballe, la machine s'affole, les notes qui jusque là formaient un tapis sonore discret et touffu, éclatent de toute leur force destructrice, la voix se mêle aux violons et s'élève, haletante, vers des sommets vertigineux. Chaque phrase prononcée par Sonia Tavares pénètre les organes vitaux et la variation introduite au bout de six minutes et trois secondes porte le coup fatal. Reste à se tordre de plaisir, suffoquer de bonheur à l'écoute des douze autres plages qui composent ce disque monumental : The Gift conjugue avec bonheur électronique et grandes orchestrations, évitant le piège de la surabondance qui parfois guettait son premier opus, se montrant à la fois plus précis et plus ambitieux, capable de composer d'authentiques épopées musicales - le splendide "So free (3 acts)". Dans "Me, myself and i", la musique indienne rencontre la tradition portugaise dans un dialogue passionnant où rien n'est immédiat mais où le charme se diffuse lentement, sensuel et enivrant. Si chaque titre apporte, à l'image de "Next town", son lot de changements, à la fois surprenants et bienvenus, la force de "Film" ne réside pas seulement dans l'intelligence des compositions de Nuno Gonçalves mais aussi dans la passion, l'espoir et la détresse palpables à chaque seconde. A la fois remarquablement pensé et profondément habité, "Film" continue, deux ans après sa sortie, de fasciner et de bouleverser : une sorte d'équation idéale auquel il ne manque ni les tubes - "Question of love", "Water skin" - ni les ballades enchanteresses - "Five minutes of everything". Un jour, c'est sûr, The Gift sera énorme ; il ne mérite pas moins.
Morceaux qui Tuent
Front of
Five minutes of everything
So free
Water skin
Me, myself and i
Filipe Francisco Carreira © Sefronia 09-09-2003
No comments:
Post a Comment